Florence Bergeaud-Blackler : Anthropologie, Recherches et Controverses

Introduction

Florence Bergeaud-Blackler est une anthropologue française spécialisée dans l’étude de l’islam en Europe, notamment à travers ses recherches sur le marché du halal et les dynamiques des Frères musulmans. Avec la publication de son ouvrage Le Frérisme et ses réseaux : l’enquête en 2023, elle s’est retrouvée au cœur d’un débat intense mêlant recherche académique, liberté d’expression et questions politiques. Ses travaux ont suscité à la fois un grand intérêt et des controverses, soulevant des interrogations sur les influences islamistes en France et en Europe.

Dans cet article, nous explorerons son parcours, ses recherches, les critiques qu’elle a reçues, ainsi que les implications de ses travaux dans le débat public.

Le parcours académique de Florence Bergeaud-Blackler

Florence Bergeaud-Blackler a débuté sa carrière en tant qu’informaticienne dans le secteur de l’aéronautique avant de se réorienter vers les sciences sociales. Elle a obtenu un Diplôme d’Études Approfondies (DEA) en anthropologie en 1995 à l’Université de Bordeaux, suivi d’un doctorat en sociologie en 1999 sous la direction de Didier Lapeyronnie. Sa thèse portait sur l’institutionnalisation de l’islam à Bordeaux, explorant les enjeux sociaux, politiques et économiques de l’implantation du culte musulman dans un contexte urbain.

Après son doctorat, elle a mené des recherches à l’Université d’Aix-Marseille et à l’Université de Manchester, se concentrant sur le marché halal et les pratiques alimentaires liées à l’islam. En 2013, elle a intégré le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) en tant que chargée de recherche, affiliée au laboratoire Groupe Sociétés, Religions, Laïcités de l’École Pratique des Hautes Études (EPHE). En 2019, elle a obtenu son habilitation à diriger des recherches, consolidant ainsi sa position dans le domaine de l’anthropologie religieuse.

Parallèlement à ses activités de recherche, Florence Bergeaud-Blackler a co-dirigé le programme RELINUM, qui examine l’impact des outils numériques sur les institutions et les normes, notamment juridiques et religieuses. Elle a également contribué à la création de l’Observatoire des fondamentalismes à Bruxelles en 2020, visant à analyser les mouvements fondamentalistes et leur influence en Europe.

Ses recherches sur l’islam et le marché du halal

Florence Bergeaud-Blackler s’est distinguée par ses recherches approfondies sur l’islam en Europe, en particulier sur le marché du halal. Dans son ouvrage Le Marché halal ou l’invention d’une tradition publié en 2017, elle analyse comment la norme halal a été construite au fil du temps et est devenue un instrument politico-religieux entre les mains de fondamentalistes musulmans. Elle souligne que cette norme s’est étendue au-delà de l’alimentation pour englober des secteurs tels que le tourisme, les médicaments et la mode, créant ainsi un marché globalisé influencé par des enjeux politiques et économiques. 

En 2016, elle a co-édité Halal Matters: Islam, Politics and Markets in Global Perspective, où elle explore les dynamiques politiques et éthiques du marché halal à l’échelle mondiale. Cet ouvrage met en lumière la manière dont le halal est utilisé pour établir de nouvelles normes de production, de commerce et de consommation, reflétant des interactions complexes entre religion et marché.

Ses travaux révèlent également comment le marché halal s’appuie sur la mise en scène du conflit civilisationnel entre l’Islam et l’Occident, tout en étant le résultat d’une coproduction normative impliquant des entreprises, des politiques néolibérales, des États musulmans et des groupes fondamentalistes.

La notion de “frérisme” et son impact

Dans son ouvrage Le Frérisme et ses réseaux : l’enquête, publié en janvier 2023, Florence Bergeaud-Blackler introduit le terme de “frérisme” pour décrire le mouvement islamiste issu de l’internationalisation des Frères musulmans en Europe. Elle définit le frérisme comme un système d’action visant à instaurer une société régie par les principes de l’islam politique, en utilisant des méthodes d’infiltration et de ruse pour atteindre ses objectifs.

Selon Florence Bergeaud-Blackler, le frérisme se distingue par sa capacité à s’adapter aux contextes locaux tout en conservant une vision théocratique globale. Ce mouvement développe méthodiquement ses activités de manière légale, exploitant les cadres démocratiques pour promouvoir son agenda politique et religieux.

Cette conceptualisation du frérisme a suscité des débats au sein de la communauté académique et politique. Certains chercheurs estiment que la définition proposée par Florence Bergeaud-Blackler est trop large et pourrait englober des formes de conservatisme islamique qui ne sont pas nécessairement liées aux Frères musulmans.

Malgré ces critiques, les travaux de Florence Bergeaud-Blackler ont contribué à une meilleure compréhension des dynamiques de l’islam politique en Europe, mettant en lumière les stratégies employées par les mouvements islamistes pour influencer les sociétés occidentales.

Controverses et critiques autour de ses travaux

Les recherches de Florence Bergeaud-Blackler ont suscité des débats significatifs au sein de la communauté académique et médiatique. Son ouvrage Le Frérisme et ses réseaux : l’enquête a notamment été critiqué pour sa méthodologie et ses conclusions. Certains collègues estiment que ses travaux manquent de rigueur scientifique et adoptent une approche trop militante. Par exemple, le journal Le Monde souligne que l’anthropologue donne une définition si large de la confrérie des Frères musulmans que tout conservatisme islamique, y compris ce qui relève de la tradition culturelle, y est assimilé.

De plus, des universitaires ont exprimé des réserves quant à ses méthodes de recherche. Deux chercheurs, Karim Souanef et Julien Talpin, ont expliqué les réticences des universitaires à l’égard des travaux de Florence Bergeaud-Blackler, soulignant que les obstacles sont d’ordre scientifique et déontologique, plutôt que politique ou idéologique.

Ces critiques ont également eu des répercussions sur ses interventions publiques. Par exemple, une conférence prévue à l’Université de Lille a été annulée en raison de ces controverses. Cette annulation a été justifiée par des raisons scientifiques et déontologiques, selon les responsables universitaires.

Source: Fr.wikipedia.org / Lemonde.fr

Sécurité et liberté académique concernant Florence Bergeaud-Blackler

Les recherches de Florence Bergeaud-Blackler sur l’islamisme, notamment son ouvrage Le Frérisme et ses réseaux : l’enquête, publié en janvier 2023, ont suscité des réactions vives, incluant des menaces de mort à son encontre. Ces menaces ont conduit les autorités à placer la chercheuse sous protection policière dès mars 2023.

Face à cette situation, le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) a accordé à Florence Bergeaud-Blackler la protection fonctionnelle, une mesure destinée à protéger les fonctionnaires victimes de menaces ou d’agressions dans l’exercice de leurs fonctions. Cependant, certains observateurs ont estimé que le soutien du CNRS était limité, se contentant du strict minimum réglementaire sans prise de position publique forte en faveur de la chercheuse.

Par ailleurs, la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (Licra) a exprimé son soutien à Florence Bergeaud-Blackler, condamnant fermement les menaces et soulignant l’importance de la liberté d’expression et de recherche dans une démocratie. La Licra a également critiqué le report de certaines conférences de la chercheuse, y voyant une atteinte à la liberté académique.

Ces événements ont relancé le débat sur la protection des chercheurs travaillant sur des sujets sensibles et sur la nécessité pour les institutions académiques de défendre activement la liberté académique face aux pressions et menaces extérieures.

Conclusion

La trajectoire de Florence Bergeaud-Blackler illustre l’importance et la complexité du travail anthropologique lorsqu’il aborde des sujets sensibles comme l’islamisme et ses influences. À travers ses recherches et publications, elle a suscité un large débat intellectuel et politique, mettant en lumière des enjeux cruciaux sur la place de la religion dans l’espace public et les dangers du radicalisme.

Toutefois, ses travaux n’ont pas été exempts de controverses. Entre critiques académiques, réactions politiques et menaces directes, Florence Bergeaud-Blackler incarne aujourd’hui une figure de la recherche engagée, défendant la liberté scientifique face aux pressions idéologiques. La reconnaissance de son travail et les mesures de protection dont elle bénéficie montrent combien il est essentiel de garantir aux chercheurs un espace de réflexion libre et sécurisé.

Alors que ses recherches continuent d’alimenter les discussions et que ses prises de position font réagir, une question demeure : jusqu’où les institutions académiques et politiques sont-elles prêtes à aller pour défendre la liberté de recherche face aux menaces et aux polémiques ?

FAQ

  • Qui est Florence Bergeaud-Blackler ?
  • Florence Bergeaud-Blackler est une anthropologue française spécialisée dans l’étude de l’islamisme et des réseaux influents liés au frérisme.
  • Pourquoi ses recherches sont-elles controversées ?
  • Ses travaux abordent des sujets sensibles comme l’islamisme, ce qui lui vaut des critiques et des menaces. Certains jugent son approche trop radicale, tandis que d’autres défendent sa liberté académique.
  • A-t-elle reçu des menaces pour ses publications ?
  • Oui, après la sortie de son livre Le Frérisme et ses réseaux : l’enquête, elle a été menacée de mort et placée sous protection policière.
  • Quelle est la position du CNRS sur cette affaire ?
  • Le CNRS a accordé une protection fonctionnelle à la chercheuse, mais certains estiment que l’institution aurait pu afficher un soutien plus affirmé.

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